Façonnée depuis des millénaires par l’action de l’homme, la Haute-Savoie, département des Alpes du Nord, présente un milieu naturel aux multiples facettes, qui fait se côtoyer plaine et montagne, lacs et glaciers, alpages et bocages…
Dans un contexte qui voit l’essor démographique et touristique de la Haute Savoie se poursuivre, l’activité agricole décliner, le trafic et les axes routiers se densifier, les espaces qui nous entourent changent à vue d’oeil, avec, comme conséquences visibles :
C’est donc une double défense que la fédération doit mener : une défense des territoires de chasse, une défense des habitats de la faune. Et plus largement, une défense de l’environnement.
Comptant parmi les écosystèmes les plus riches et les diversifiés de la planète, les milieux humides abritent des milliers d'espèces animales et végétales, des plus ordinaires aux plus emblématiques…
Mais pas que, de par leur constitution et composition, ils fournissent aussi à l’homme des biens précieux, tels que l’eau et des produits alimentaires, et sont susceptibles de rendre de grands services, en matière d’épuration de l’eau ou d’atténuation des crues. Pour autant, l’homme n’a pas toujours su estimer ce capital inestimable, et a longtemps choisi de les sacrifier à la pression urbaine ou agricole.
Au titre de son agrément de protection de l'Environnement qui date de 1978 et de par ses missions de préservation de la faune et des habitats, la Fédération Départementale des Chasseurs a été parmi les premières à constater sur le terrain les bouleversements irrémédiables subis par les zones humides et les effets catastrophiques sur la faune. Elle a réagi en lançant dès les années 80 une politique visant à assurer la préservation des derniers marais du département. Aujourd’hui, ce sont pas moins de 50 plans d'eau de dimensions variables qui ont été étudiés, réalisés ou valorisés sur les départements de Savoie et Haute Savoie.
Autrefois riche de kilomètres de linéaires boisés, de haies, de vergers de plein champs et de prairies naturelles, l’ensemble des espaces situés en dessous de 800 mètres d’altitude constituait jusqu’à un passé récent un magnifique tissu bocager, abritant une petite faune abondante et variée : lièvre, lapin, faisan, perdrix rouge, merles et grives, tourterelles et pigeons…
Le bouleversement dans les pratiques agricoles a entraîné dès les années 60 une modification en profondeur de l’espace rural traditionnel, aboutissant à la prédominance de la monoculture paysagère et d’espaces nus, où seuls le lièvre et le renard parviennent à se maintenir, le premier à la faveur des quotas de chasse, le second parce qu’il s’adapte à toutes les situations.
Quant au bocage, il ne se maintient que sur quelques secteurs du département, mais avec un maillage très large (Albanais, région des Usses, moyenne vallée de l’Arve, coteaux du Bas Chablais, plateau de la Borne).
C’est pour lutter contre cet appauvrissement de la biodiversité qu’en parallèle des mesures prises au niveau national, la Fédération des Chasseurs de Haute-Savoie s’investit aux côtés des ACCA, pour engager et accompagner les exploitants agricoles sur la voie de mesures plus respectueuses de la faune, de la flore et des paysages.
Qu’elles soient de plaine, de versant ou de montagne, les forêts couvrent plus de 30% du territoire haut-savoyard, avec une répartition des surfaces assez hétérogène : les vallées alpines concentrent le plus fort pourcentage, tandis que la plaine accueille quelques grands ensembles, qui deviennent de ce fait remarquables.
La forêt de Plambois, les bois de Chevilly et de Marival dans le Bas Chablais, et la forêt de la Semine sont les seuls massifs qui se maintiennent en plaine. Victimes dans les années 60 de plantations plus ou moins heureuses, ils sont marqués par une perte de diversité biologique, et bénéficient pour certains de stratégies de protection nationales (Arrêté Préfectoral de Biotope, forêt classée) ou européennes (Natura 2000).
En dehors de ces grands ensembles, les nombreux ravins maintiennent une forte trame forestière sur l’avant pays, composée de boisements vieillissants de feuillus, tels les frênes, érables, chênes pédonculés, au sous bois très clair. Localement, des boisements de châtaigniers apportent un plus très recherché par le gibier pour la production de fruits (secteur des Usses). Les vieux chênes sont aussi très recherchés pour leur glandée, et profitent à de nombreuses espèces, du pigeon au sanglier.
Sans couvert protecteur au sol, ces espaces forestiers procurent un abri relatif au grand gibier, particulièrement dérangé au moment de la cueillette des champignons et lors de la chasse. La mise en place de réserves de chasse et de faune sauvage, comme l’oblige la Loi sur les ACCA, participe au maintien de densités correctes de grand gibier
De l’étage montagnard au subalpin, les forêts trouvent une place naturelle, indispensable à la grande faune. Les chasseurs y trouvent leur principal terrain d’expression, accessible en toute saison.
Vieillissantes, en raison des pentes qui rendent difficiles leur exploitation, les forêts de coteaux constituent des refuges sûrs pour la grande faune, qui trouve dans les prairies à proximité immédiate une nourriture riche et abondante. Leur boisement hétérogène, associé aux pentes accusées, renforce ce rôle protecteur, en limitant l’intrusion des promeneurs.
En prenant de l’altitude, la diversité se limite rapidement à quelques essences. La valeur biologique se retrouve dans le maillage entre les différents milieux créés par l’exposition, le relief et le climat, ainsi que l’aspect hétérogène de boisements d’âges différents. La futaie jardinée est le milieu le plus intéressant, car il peut accueillir de nombreuses espèces animales sur une surface réduite : gélinotte, pics, sanglier, chamois, cerf… En hiver, les arbres les plus âgés limitent l’enneigement au sol par la couverture de leurs branches, et protègent efficacement la grande faune par la nourriture qui reste à disposition, et par les déplacements facilités (bilan énergétique positif). En été, la régénération naturelle apporte le couvert protecteur nécessaire à la reproduction des espèces, tandis que le foisonnement végétal procure une nourriture riche et abondante.
Les coupes de bois, qui semblent revenir à la mode avec l’augmentation du tarif des énergies, concourent à diversifier des peuplements trop âgés, et créent des conditions très propices au développement du chevreuil et du sanglier.
Dans les années à venir, l’augmentation des surfaces en fourrés sera indispensable au maintien des populations de grand gibier, en raison de l’augmentation croissante des pratiquants de loisirs outdoor qui fréquentent assidument les espaces boisés de plaine.
Les sècheresses vécues depuis 2003 ont sélectionné les essences de manière drastique, par la disparition des résineux des versants les plus chauds et secs. Parmi les feuillus, le hêtre se rencontre rapidement, et constitue l’arbre de haut jet par excellence.
Les érables et noisetiers sont très présents, remplacés progressivement par les sorbiers et aulnes verts en fonction de l’altitude. Les résineux comptent une diversité moindre : 2/3 épicéas et 1/3 sapins pectinés en moyenne..
Le sapin est particulièrement apprécié du grand gibier, notamment en hiver lorsque les conditions limitent une prise alimentaire diversifiée. Le hêtre, par sa production de faines, constitue une réserve intéressante de nourriture pour la saison hivernale
A la confluence de dynamiques forestières et herbagères, les alpages constituent un patrimoine unique et accueillent une diversité floristique et faunistique remarquable. Compte tenu de leur éloignement des centres urbains, et de leur valeur pour la faune, les alpages présentent un fort intérêt pour la chasse.
Lorsqu’on évoque ces espaces, deux espèces viennent immédiatement à l’esprit : le chamois et le tétras lyre. Mais grâce à la gestion cynégétique mise en œuvre depuis les années 70, d’autres espèces les ont rejoint, au premier rang desquelles le chevreuil, puis le cerf et le sanglier.
Conscients de la valeur des alpages, les chasseurs sont les témoins de leur délaissement progressif par les troupeaux, et de leur envahissement par des landes peu nourrissantes et accueillantes pour la faune. Prenant le relais des générations de montagnards qui, hier encore, assuraient leur préservation par leur travail et les transhumances, les chasseurs s’investissent depuis 1994 dans des actions de réhabilitation ou d’entretien des alpages. Menées en lien avec les services agricoles de la Société d’Economie Alpestre, ces actions visent à maintenir des habitats de qualité pour la faune, qui trouve des conditions indispensables à son développement.
La prise en compte par les Collectivités (Région, Département, Communes) et l'Etat de cette problématique au travers des aides financières apportées aux projets des chasseurs constitue un encouragement certain.
En montagne, le tétras lyre, très sensible à toute modification qui affecte le milieu naturel, est devenu un indicateur biologique. Ainsi, à la manière de la loutre qui témoigne de la pureté des rivières, les populations de tétraonidés subissent de façon inéluctable les évolutions défavorables de leurs habitats.
Concrètement, ces fluctuations démographiques négatives se traduisent par la diminution de la capacité de reproduction de l'espèce, ce qui rend sa survie plus difficile face à la prédation naturelle ou aux mortalités liées à l'activité humaine (tourisme, chasse, ...).
En haute montagne, les falaises et éboulis traduisent la limite altitudinale de répartition de notre faune gibier. Les chamois pourront se rendre à des altitudes extrêmes pour échapper à la chaleur et au dérangement touristique, mais la majorité des animaux se maintiennent en dessous de 2 400 mètres.
Comme son nom ne l’indique pas, la Haute Savoie ne possède pas un relief particulièrement élevé.
Le Mont Blanc et sa chaîne mis à part, peu de sommets dépassent les 3 000 mètres, tandis que les vallées des Bornes, du Giffre, des Aravis et du Chablais sont caractéristiques du préalpin.
Ces montagnes de calcaire, très boisées, aux cassures prononcées par des falaises remarquables, sont des milieux plutôt riches et accueillants pour la faune. Les secteurs boisés sont les plus fréquentés, en raison du couvert protecteur qu’ils offrent, tandis que les falaises procurent un refuge sûr aux chamois, qui peuvent ainsi échapper aux chiens lancés à leurs trousses.
Les récits de chasseurs pistant les chamois sur les vires (terrasses étroites à flanc de paroi) des Bornes ou du Chablais, traduisent l’importance de ces murailles, qui encadrent certaines vallées de manière remarquable. Ces zones de vires plus ou moins vertigineuses, ou « mênes » en langage local, dans lesquelles plusieurs chasseurs ont malheureusement trouvé la mort, sont le refuge de toute la grande faune, notamment en été et en automne, période où le dérangement humain est le plus fort.
Dans ces espaces où le minéral le dispute à la glace ou aux névés, le lagopède ou perdrix blanche trouve son habitat de prédilection, remplacé par la perdrix bartavelle sur les expositions Sud, chaudes et sèches. Les conditions de vie sont très difficiles, mais l’âpreté du paysage constitue une protection pour ses habitants, en limitant l’intrusion de l’homme ou de prédateurs. Sur certains secteurs dégagés, la pratique du parapente, et plus récemment du Base Jump (saut de falaise), constituent une source de dérangements non négligeables.
Malgré la forte urbanisation de leurs rives, les lacs naturels d’Annecy et du Léman constituent un élément de diversité particulièrement important, tant au niveau de la flore que de la faune.
A la multitude d’insectes, mollusques, poissons et crustacés peuplant leurs eaux, viennent s’ajouter de nombreux représentants de l’ avifaune aquatique. Certains sont présents toute l’année, comme le canard colvert, le cygne tuberculé, la foulque macroule, le goéland leucophée ou encore le grèbe huppé. D’autres ne viennent qu’ hiverner, tels le grand cormoran, le fuligule milouin ou morillon, la gallinule poule d’eau, le garrot à œil d’or, le grèbe castagneux ou à cou noir...
Cette avifaune est suffisamment remarquable pour que le Léman, véritable mer intérieure, figure dans la liste des sites RAMSAR. Comparativement, le lac d’Annecy accueille moins d’oiseaux, mais la reproduction du colvert y est remarquable, grâce à sa roselière aquatique riche en nourriture et propice à la nidification à la belle saison.
Très rapidement, les lacs ont fait l’objet d’une volonté administrative de restriction de la chasse, avec
La principale menace pesant sur les dernières zones naturelles rencontrées autour des grands lacs n’en demeure pas moins. Elle est d’ordre urbanistique, et relève de la loi Littoral.
L’apparition d’un parasite microscopique (bilharziose) dans les années 70 sur le Léman, puis plus récemment en 2000 sur Annecy, a provoqué un changement dans les mentalités protectionnistes : sur Annecy, une régulation des colverts a été demandée par les autorités, pour limiter le taux d’infestation en bilharzies des zones de baignade. Un programme a été proposé par la Fédération des Chasseurs et l’AICA du lac d’Annecy pour concilier la régulation attendue sur les oiseaux semi-domestiques et le maintien de zones de quiétudes pour l’avifaune migratrice.
Si la population nicheuse de colverts semble stable sur les deux grands lacs, les effectifs d’hivernants sont en diminution, sans raison véritablement apparente. Suivant une logique identique, le nombre de chasseurs intéressés par les canards diminue également, bien que les grands lacs bénéficient d’une organisation qui permette d’accueillir des chasseurs de tout le département.